Situation actuelle et objectifs

Les cancers ORL ou des voies aérodigestives supérieures (VADS) regroupent les tumeurs solides de la cavité buccale, du pharynx et du larynx. Ils sont fréquents en Europe et particulièrement en France où leur incidence annuelle, la plus élevée après la Hongrie, constitue le cinquième cancer le plus fréquent, après les cancers du sein, du côlon et du rectum, de la prostate et du poumon. En France, cette incidence a été estimée en 2000 aux alentours de 20 000 nouveaux cas chez l’homme (4e rang par ordre de fréquence) et 3 000 nouveaux cas chez la femme (14e rang par ordre de fréquence). La mortalité chez l’homme, après un pic de fréquence à 39 pour 100 000 en 1976, a été divisée par 2 à ce jour, soit un retour au taux de 1950. Chez la femme si la mortalité est bien moindre, en revanche, elle a doublé depuis 1950, pour être à ce jour aux alentours de 8 pour 100 000. La mortalité des carcinomes des VADS est très inégale selon les régions françaises, dans les départements du Nord Pas-de-Calais, elle approche du double de celle des départements du Sud-Ouest [1]. En France, 90 % des décès par cancer des VADS chez l’homme sont attribuables au tabac et/ou à l’alcool [1]. Il existe une corrélation entre l’âge du début de l’exposition, la dose journalière, la durée de l’exposition et le risque carcinologique. La mortalité par cancers des VADS est 7 fois plus élevée chez les fumeurs de cigarettes que chez les non-fumeurs et reste 3 fois plus élevée chez les ex-fumeurs que chez les non-fumeurs. Le rôle du cannabis comme carcinogène est établi [2], en particulier dans l’incidence des cancers de la langue chez des sujets de moins de 40 ans. En ce qui concerne l’alcool, le risque est proportionnel à la dose d’alcool pur consommé, sans effet de seuil. L’association alcool-tabac “surmultiplie” le risque relatif de cancer des VADS : un sujet qui fume 25 cigarettes et boit 10 verres de vin (environ 100 g d’alcool pur) par jour voit son risque relatif multiplié par 100. D’autres facteurs de risque comme le bétel et les nitrosamines carcinogènes pour le cancer de la cavité buccale, le virus EBV (Epstein-Barr Virus) pour les carcinomes indifférenciés du nasopharynx (UCNT), certains papillomavirus pour l’oropharynx ou le larynx (HPV 16 et 18), l’exposition aux hydrocarbures polycycliques pour la cavité buccale et le larynx, l’amiante pour le carcinome du larynx, les poussières de bois pour l’adénocarcinome de l’ethmoïde sont connus. L’immunodépression induite par certains traitements post-greffes ou acquise comme pour le sida prédispose à la survenue d’un cancer des VADS. La meilleure prévention des cancers ORL passe par une réduction effective et durable de la polyconsommation régulière du tabac et de l’alcool. Des actions éducatives régionales précoces sont à la base de toute politique de prévention. Le particularisme de ces tumeurs rend compte de l’histoire naturelle de ces cancers qui touchent le plus souvent l’homme de 50 à 70 ans. En effet, dans leur grande majorité ce sont des carcinomes épidermoïdes plus ou moins différenciés (90 % des cas). Ces tumeurs siègent dans une région anatomique complexe, aux nombreuses localisations et sous-localisations, dont la lymphophilie est importante (15 à 50 % d’atteinte ganglionnaire selon le site tumoral pour les cous “N0”) [3]. Ces particularités compliquent à la fois le bilan préthérapeutique et le traitement (abord chirurgical, procédé de réparation, balistique des radiations ionisantes à hautes doses, etc.). En France, la distribution de ces tumeurs selon la localisation est approximativement la suivante : cavités nasosinusiennes et nasopharynx 5 %, lèvres 10 %, cavité buccale 20 %, oropharynx 25 %, larynx 25 %, hypopharynx 15 %. Le diagnostic est fait le plus souvent à un stade tardif chez des patients souvent négligents car l’évolution est essentiellement locorégionale cervicofaciale, et c’est à un stade déjà avancé que le syndrome de masse endocavitaire et/ou cervical va entraîner un retentissement fonctionnel sur les fonctions de déglutition et de respiration. Une adénopathie cervicale indolore d’apparence isolée est souvent longtemps négligée par le patient. Le larynx constitue une exception par la dysphonie présente dès le début de la maladie pour les tumeurs de la corde vocale. Par ailleurs, on note la grande fréquence des localisations multiples synchrones ou métachrones (10 à 20 %), le risque évolutif important de récidive locorégionale et un taux de métastases à distance (poumons, foie, os, système nerveux central) de 5 à 15 %. Les comorbidités associées sont fréquentes (plus de 50 % des cas lors de la première consultation), notamment cardiorespiratoires, hépatiques, vasculaires et les carences nutritionnelles multiples. Enfin le caractère algique et mutilant de ces tumeurs malignes qui vont devenir “visibles” aggrave le handicap et augmente encore les difficultés thérapeutiques, compliquées de plus par un contexte socioprofessionnel souvent difficil